«Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots» (Jean Jaurès)
La cour d'appel de Paris a tranché : "Aucune faute n'a été commise" par les docteurs Fernand Dray et Elisabeth Mugnier, qui ont donc été relaxés dans l'affaire de l'hormone de croissance. L'occasion de rappeler les quelques vérités dérangeantes qui ont émergé au cours du procès... (Reprise d'article du 29/02/2008) Le procès des hormones de croissance bat son plein. Des informations terribles sont crachées à la barre. Mais bizarrement, les médias ne suivent pas. L'ouverture du procès a certes été abondamment saluée, mais depuis, seuls quelques communiqués laconiques ont été publiés. Pourtant, il y a vraiment de quoi disserter. Tout part du décès de 112 enfants, de taille insuffisante, auxquels on a injecté des hormones de croissance, traitement révolutionnaire à l'époque. Mais les hormones étaient infectées, et les gamins n'ont finalement pas grandi, ils sont morts de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Le tribunal essaie aujourd'hui de comprendre et pose des questions. Au détour d'une de ces questions sur la collecte des hypophyses, ces glandes cervicales à partir de laquelle l'association France-Hypophyse fabriquait le médicament miracle, sont apparues quelques réalités concrètes, et terribles.
Les prélèvements d'hypophyses étaient réalisés par des garçons de salle, des infirmiers, et non des médecins, à l'aide d'outils fabriqués à partir de cintres et de tuyaux de plomberie. Aucun prélèvement n'était suivi, aucune inscription, pas de registre. Les hypophyses n'auraient du être prélevées que sur des cadavres «sains», mais elles l'étaient aussi sur des cadavres atteints de syphilis, de méningite purulente, de démence, de maladies nerveuses, dans des hôpitaux à risques autant que dans des services de gériatrie... sans aucun accord des familles dans un grand nombre de cas. Et le médecin chargé pendant dix ans de ces prélèvements venait simplement récupérer les fioles moyennant pourboire, de 5 à 35 francs selon les hôpitaux et les années. De 1973 à 1988, 200 000 hypophyses ont ainsi été prélevées dans des conditions déplorables : des tubes mal désinfectés, aucun protocole écrit, des méthodes discrètes pour ne pas alerter les familles mais totalement illégales... Dans tous les cas et à tous les échelons, personne n'a jamais été informé. Le médecin chargé du prélèvement n'a jamais été informé qu'il fallait un suivi. Les infirmiers non plus. De tous les directeurs d'hôpitaux, aucun ne savait ce qui se passait dans ses sous-sols. «Ah, non je ne savais pas...» répondent-ils systématiquement.
Car il en fallait de l'imagination, selon les dires de tous les médecins interrogés, pour penser qu'il pouvait y avoir des risques. «La seule transmission que l'on connaissait à l'époque, c'était de cerveau à cerveau. Comment pouvait-on imaginer alors une transmission par voie veineuse ?» raconte Yves Agil, neurologue de la Salpêtrière, à l'unisson de ses collègues. Olivier Bertrand, directeur de recherche à l'Inserm, indique que l'«erreur» était d'avoir confié la purification de l'hormone à des gens qui n'en avaient pas les compétences. Il semble bien que ce soit la seule «erreur» qui a été évoquée dans ce procès jusqu'à présent : la purification de l'hormone... Yves Agil ajoute aussi «Aujourd'hui, bien sûr, avec le principe de précaution, on aurait arrêté». Mais c'est bien sûr ! Le principe de précaution... Le respect des morts ? Le respect de la dignité humaine ? Le respect des lois ? Le respect des règles de base de l'hygiène médicale ? Non. Le principe de précaution n'existait pas, en ces temps reculés... C'était donc ça le problème... Aujourd'hui, par contre, il existe. Nous sommes sauvés ! Mais pour combien de temps... d'ailleurs ? Car des voix de plus en plus nombreuses et insistantes se font entendre pour le condamner, ce principe de précaution, et le rayer de la Constitution. Une majorité des membres de l'UMP se prononcent ouvertement contre, car il ralentirait l'«innovation» et la «modernité». Jacques Attali est leur héros. Lui qui, dans son rapport tonitruant et sans concession, préconise la suppression définitive de ce principe vieux-jeu.
Sources : (Article publié sur le site "Les mots ont un sens")
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