La Sécu est en mauvaise santé. Un plan révolutionnaire doit lui redonner des couleurs, prévoyant notamment une taxe d’un milliard d’euros sur les mutuelles. Mais pour faire passer la pilule, les assureurs privés seraient sur le point d’obtenir de l’Etat le droit d’accéder aux données individuelles des assurés. En route pour un système de santé à l’américaine…
La dernière ponte du Canard Enchaîné relève, en page 5, que derrière une jolie formulation syntaxique se profile un dangereuse et imminente dérive de notre système de santé. En cause, trois mots à priori sans intérêt : « gestion-du-risque ». En plein mois de juillet, Roselyne Bachelot annonçait une série de mesures, dont la mise en place d’une nouvelle taxe d’un milliard d’euros sur les mutuelles. Mais celles-ci ne tardaient pas à se révolter et multipliaient les déclarations : impossible de ne pas répercuter ce prélèvement sur les assurés, im-pos-si-ble. Un drame politique en ces temps de vaches maigres. Mais un accord semble maintenant se dessiner, qui arrangerait tout le monde sauf… les citoyens.
« La faire accepter dans l’opinion »
« Gestion du risque », le terme apparait une première fois dans un communiqué estival du gouvernement, à l’attention des assureurs, puis dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2009 qui préconise de « mieux associer les organismes complémentaires à la gestion du risque pour mieux réguler l’ensemble des dépenses de santé ». Le terme est ensuite repris par Nicolas Sarkozy, dans son discours de Bletterans (Jura), le 18 septembre : « les complémentaires santé doivent contribuer à l’amélioration de la qualité des soins, à la gestion du risque, à la maîtrise de la dépense, dans l’intérêt des assurés ». Par Eric Woerth aussi, devant la Commission des comptes de la Sécurité sociale, le 29 septembre : « J’aimerais également que les partenaires sociaux qui composent le Conseil de l’UNCAM donnent plus de visibilité à la politique de gestion du risque de l’assurance maladie, qu’ils en détaillent les objectifs et les instruments pour la faire accepter dans l’opinion »… à l’insu de son plein gré ?
Des maux derrière les mots
Derrière ces trois petits mots se cache, en fait, une vraie révolution. Car depuis un certains temps, les assureurs privés lorgnent avec insistance sur les données personnelles des assurés. Ils seraient donc sur le point d’obtenir une première victoire, en contrepartie de cette taxe qui valait un milliard. En bref, il existe plusieurs définitions de la « gestion du risque santé ». Celle des assureurs est de loin la plus intéressante : il s’agirait ni plus ni moins que de leur ouvrir l’accès aux données individuelles de santé des assurés, à des fins de lutte contre la fraude et d’« optimisation » des dépenses, bien entendu…. Mais cela leur permettrait aussi de sélectionner la clientèle, de la trier, d’évaluer les personnes à risques et de personnaliser les assurances, quitte à faire exploser les cotisations des plus malades d’entre nous, au motif qu’ils sont des assurés « à risque ». Cette « gestion du risque » a été introduite aux Etats-Unis au début des années 60. Aujourd’hui, on déplore 47 millions d’américains sans assurance santé.
Si certains sabrent le champagne à la santé de la « gestion du risque », les autres trinquent !
Le bonus-malus à la sauce sanitaire. Et Nicolas Sarkozy jubile, qui compare régulièrement l’assurance maladie à une assurance automobile. Son rêve américain devient enfin réalité. Certes, il ne s’agit que des mutuelles complémentaires. La Sécurité Sociale n’est pas remise en cause. Mais à coup de franchises, de déremboursements, de « forfait 1 euro », de tickets modérateurs, de dépassements d’honoraires… les mutuelles deviennent aujourd’hui indispensables. Et ce ne sont pas les 5 millions de Français qui n’ont plus les moyens de cotiser ou les 40% d’entre nous qui ont déjà retardé ou renoncé à au moins un soin en raison de son coût qui nous diront le contraire.
L’assurance maladie en voie de privatisation… Le texte est passé au Conseil des ministres le 13 octobre 2008. Le débat parlementaire débutera le 28 octobre 2008. A moins que le gouvernement choisisse la voie de… l’ordonnance(*) ?
(Sources : assemblee-nationale.fr, canardenchaine.fr, elysee.fr, 01net.com, lesechos.fr, adiph.org, sante-jeunesse-sports.gouv.fr)
(*) Ordonnance :possibilité de faire passer une loi par le pouvoir législatif sans aucun débat public)