Bernard Accoyer a tranché. Il n’y aura pas d’enquête parlementaire sur les sondages de l’Elysée… La transparence s’arrête là où les magouilles commencent ? Une seule chose est sûre : les voies de l’Elysée sont insondables…
« Pour que le budget de l’Elysée et de la Présidence de la République obéisse à des conditions de transparence indispensables dans notre pays« , Nicolas Sarkozy avait promis le 12 Juillet 2007 qu’il demanderait « au Président de la Cour des Comptes de contrôler le budget de la Présidence de la République, ce qui n’a jamais été fait jusqu’à présent« . Ahrg… Bernard Accoyer est-il devenu fou, pour s’opposer si violemment à notre Tsar Cosy ? En fait, non. La Cour des Comptes est effectivement passée par là, mettant à jour une vaste folie sondagière. D’obscurs contrats passés sans appel d’offre avec des sociétés amies, des enquêtes d’opinion régulièrement publiées telles quelles par des médias amis (Figaro, TF1)… En 2008, ce sont 190 sondages qui ont ainsi été réalisés, la douloureuse s’élevant pour cette seule année à 3,3 millions d’euros (dont 1,5 million pour la société Publifact, gérée par Patrick Buisson, conseiller du Président). Un prix d’ami…
Président à responsabilité limitée
Cette révélation a mis en rogne l’opposition, qui a dans la foulée demandé la création d’une commission d’enquête parlementaire. Laquelle a donc finalement été refusée par le Président de l’Assemblée Nationale Bernard Accoyer. Mais pourquoi donc, puisque notre Absolu Président manifeste un si ardent désir de transparence ? Parce qu’une telle procédure serait anticonstitutionnelle (voir le KEU-WÂ d’Eolas) ; « La responsabilité politique du chef de l’Etat […] s’exerce devant le peuple et en aucun cas devant l’Assemblée » a déclaré l’oto-rhino-laryngologiste de profession, aussi spécialiste de la langue de bois : Hier matin, au moment même où il prononçait ces mots, Paris-Match publiait un entretien dans lequel notre super-héros se révoltait littéralement (propos rapportés par Marianne2.fr) : « J’ai toujours été un ardent défenseur des droits de l’opposition et je le resterai » ! La preuve…
Panique à l’Alcazar cozy
Le problème avec cet argument de « responsabilité limitée », c’est qu’il ne tient pas vraiment la route. Comment « le peuple » pourrait-il mettre en cause la responsabilité du chef de l’Etat s’il n’est pas informé (par sa représentation nationale en l’occurence) ? Qu’elle nous parait bien lointaine, cette Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dont l’article 14 précisait que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique [et] d’en suivre l’emploi » ! Curieusement, en 2007, Sarko avait d’ailleurs – en toute transparence, bien entendu – accepté la commission d’enquête sur la libération des infirmières bulgares. Si Cécilia avait alors échappé à l’interrogatoire, cachée derrière son immunité d’émissaire spéciale de son Président de mari, cela n’a pas été le cas de Claude Guéant, secrétaire général du Château, qui avait du s’expliquer devant les parlementaires.
Des enquêtes à charge
Alors… pourquoi ? L’hypothèse la plus crédible est que la Présidence aurait abusé de sondages « orientés ». On se rappelle, par exemple, de ce « sondage secret » publié par Le Figaro qui annonçait une victoire fracassante de Valérie Pécresse lors des primaires de l’UMP pour l’investiture des Régionales, au détriment de Roger Karoutchi. L’Elysée a solennellement démenti être à l’origine de cette enquête. Sauf que la Cour des Comptes a mis à jour la facture correspondant à cette enquête de l’Ifop. Oups…
Un « détournement de fonds publics » ?
Alors… posons la question autrement. Que se passerait-il si on apprenait que l’Elysée dépense l’argent du contribuable pour répartir les postes à l’UMP, y compris celui du Prince Jean, comme on a pu l’entendre ici ou là ? Cela ferait mauvais genre. Pire. Techniquement, cela pourrait constituer un « détournement de fonds publics », disent les opposants au régime en place. Loin de nous l’idée de croire à de telles sornettes, vous n’y pensez pas ! Mais pour définitivement enlever le doute aux quelques sceptiques rétissants, il aurait fallu… une enquête. Qui ne viendra pas. Dommage, et le doute persistera…
Arrêter les frais ?
Devant ce pataquès, l’Elysée a promis de réduire ses folles dépenses. La belle affaire… puisqu’en parallèle, la Présidence de la République a déjà annoncé son intention de recourir davantage aux études du Service d’Information du Gouvernement (SIG), dont le budget a quadruplé en 2009 (l’enveloppe sondage a doublé), selon le Canard Enchainé. D’autant que les budgets sondages des différents ministères vont aussi augmenter en 2010. +39% pour l’Agriculture, 60% pour l’Education, +1,26 million d’euros pour le Travail et les Affaires Extérieures. Les autres ministères ne dévoilent pas leurs secrets de cuisine. Comme quoi le gouvernement sert encore à quelque chose…
Mais les socialos ne l’entendent pas de cette oreille. Le groupe PS de l’Assemblée a annoncé ce matin son intention de demander une nouvelle commission d’enquête sur « l’ensemble des enquêtes d’opinion financées par des crédits publics« . Pas sûr que l’Elysée apprécie. Quant aux électeurs… vite, un sondage !