Une interview du patron du Parquet national financier (PNF), Jean‑François Bohnert, qui devait évoquer notamment de la condamnation de Nicolas Sarkozy dans l’affaire des financements libyens, a été annulée au dernier moment par la direction du Parisien. La rédaction est furibarde.
Quand un milliardaire se paie un média (ultra-déficitaire en l’occurrence), c’est rarement par charité : ça offre de l’influence… et ça permet de filtrer les infos qui dérangent. Le Parisien, propriété de Bernard Arnault, ne fait pas exception.
Interview classée sans suite
Selon Arrêt sur images, La Lettre, Marianne et Mediapart, les journalistes du Parisien ont appris que l’entretien prévu avec Bohnert, initialement programmé le mercredi 10 décembre, avait été annulé la veille par le directeur de la rédaction, Nicolas Charbonneau. Motif officiel : « Ça n’intéresserait pas les lecteurs. » Merci Patron ! Disons que la rédaction a un sérieux doute.
Il faut dire que le PNF a récemment enquêté sur des dossiers sensibles concernant Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron, Rachida Dati, Anne Hidalgo ou encore quelques poids lourds du CAC 40 (liste non exhaustive). Autant de sujets susceptibles de faire grincer des dents en haut lieu. Et, pure coïncidence sans doute, ce fameux mercredi 10 décembre, Le Parisien consacrait une pleine page au nouveau livre… de Nicolas Sarkozy. Clairement plus « intéressant » !
Dérive autoritaire
La Société des journalistes a réagi immédiatement, dénonçant dans un communiqué une décision « brutale », préjudiciable « à l’ensemble de la rédaction, à l’image et la crédibilité du journal ». Elle pointe aussi une « dérive vers une direction autoritaire de la ligne éditoriale, sans concertation et sans contradiction possible », tout en s’interrogeant sur les raisons réelles de ce refus d’interviewer le patron du PNF, alors que la couverture du procès, de la condamnation et de l’incarcération de Nicolas Sarkozy a été particulièrement « déséquilibrée » ces derniers mois.
Ce n’est pas la première fois que la direction du Parisien écarte un sujet sensible : une enquête sur l’hôpital américain de Neuilly (Bolloré en est donateur) aurait été enterrée, tout comme une interview de Jean‑Michel Aphatie, critique envers Cyril Hanouna, ou encore un article sur le film Merci Patron ! de François Ruffin, qui s’en prend… à Bernard Arnault.
Contacté, Nicolas Charbonneau n’a pas répondu. À La Lettre, il s’est contenté d’expliquer que l’interview n’était pas « exclusive », puisque Le Monde et France Info avaient déjà interrogé Jean‑François Bohnert.
Le Parisien… Jadis Libéré, depuis un quinquennat Entravé, désormais Enchaîné. (commentaire de pr3cog sous l’article de Mediapart).
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