Après les expulsions de sans-papiers vers l’Afghanistan, la rétention d’enfants en bas-âge, les multiples dénonciations « républicaines »… voilà que le ministère de la Justice tente de reprendre sa nationalité à un Français de naissance, soldat émérite des armées hexagonales ayant servi au Tchad et en Afghanistan…
Vous avez aimé l’histoire du mec du Pont de l’Alma, qui cherche ses lunettes tombées dans la Loire ? Vous adorerez celle du gars dont le père a été naturalisé en 1960, et qui est en passe de perdre ses papiers français… sur le pont des soupirs. On pourrait croire à une mauvaise blague. Mais l’affaire est bien réelle…
Ounoussou Guissé, un brigadier exemplaire
Arrivé en France en 1998 à l’âge de 17 ans, venu rejoindre son frère, il s’est engagé en 2002 dans l’armée française, au sein de laquelle il a participé aux campagnes du Tchad et d’Afghanistan. Apprécié de ses supérieurs, il devrait bientôt être nommé brigadier-chef. Mais pour le ministère de la Justice, cet homme ne mérite plus la nationalité française… Pendant que la garde des Sceaux Michèle Alliot-Marie défend bec et ongle un Frédéric Mitterrand « très émouvant » lors de sa prestation télévisée d’hier, son ministère s’escrime à remettre en cause la nationalité d’un soldat émérite, Français depuis sa naissance.
Acharnement judiciaire
Lors de l’indépendance du Sénégal, en 1960 (!), les Sénégalais qui résidaient en France ont pu choisir de devenir Français. Ce qu’a fait le père d’Ounoussou, qui travaillait au Havre. Mais sa femme et ses enfants étant restés en Afrique, le ministère de la Justice estime maintenant que son véritable domicile était au Sénégal. Il ne méritait donc pas la nationalité française, et par conséquent, ses enfants non plus. Débouté une première fois en septembre 2008, le ministère s’acharne. L’audience de l’appel a eu lieu mardi et la décision du tribunal a été mise en délibéré au mercredi 18 novembre.
« Une sorte de sport national pour le ministère de la Justice«
Un dossier abracadabrantesque qui n’est pas un cas isolé. « De plus en plus de dossiers similaires arrivent sur mon bureau. C’est devenu une sorte de sport national pour le ministère de la Justice« , assure l’avocate rouennaise Cécile Madeline, citée par le journal Paris-Normandie, à l’origine de l’information. Jean-Dominique Merchet ajoute que le frère aîné d’Ounoussou, Amara Guissé, est lui aussi menacé, après onze années de bons et loyaux services dans l’armée française.
Ce feu d’artifice de mauvais goût intervient alors que l’Elysée organise, en 2010, l’anniversaire des 50 ans de l’indépendance des Etats africains et celui des 70 ans du ralliement de l’Afrique équatoriale française à de Gaulle, en 1940. Nul doute que les chefs d’Etat africains repartiront des cadeaux pleins les bagages…