A l’heure où l’on tire à vue sur les dépenses de Santé, un décret discrètement publié la veille de Noël autorise dorénavant les firmes pharmaceutiques à « parrainer » des émissions télévisées. En Europe, un « Paquet pharma » prévoit d’autoriser la publicité sur les médicaments à l’attention du grand public. Les lobbies pharmaceutiques trinquent… à notre santé.
Un cadeau de Noël bien emballé
La France est le premier pays consommateur de médicaments en Europe. Le chiffres d’affaires hexagonal des médicaments a atteint 45 milliards d’euros en 2007 (dont 43% à l’exportation). Multiplié par quatre depuis 1990. Ce chiffre d’affaires est de 214 milliards d’euros pour l’Europe. De quoi satisfaire l’appétit des industriels ? Que nenni… Le décret « 2008-1392 » du 19 décembre est paru au Journal Officiel la veille de Noël, en toute discrétion. Il modifie « le régime applicable à la publicité télévisée, au parrainage télévisé et au télé-achat » et autorise désormais le « parrainage » d’émissions de télévision par les firmes pharmaceutiques. Sur France Télévisions, y compris.
Une industrie qui gagne à être connue
Au niveau européen, on voit les choses en grand. La commission a proposé, le 10 décembre 2008, d’autoriser les « communications » de l’industrie pharmaceutique, via « certains canaux » comme « Internet et les publications relatives à la santé« . La télévision et la radio en sont exclues. Petits joueurs… Il est d’ailleurs amusant de voir comment le rapport de la commission assimile subtilement le « citoyen » et le « grand public » à des « patients« , sans autre précision…
Actuellement, la publicité à destination du grand public pour les médicaments nécessitant prescription est autorisée dans 2 pays seulement : les États-Unis et la Nouvelle-Zélande. Mais c’est sans compter sur les lobbies pharmaceutiques, qui ne s’en laissent pas… conter. Si elles n’ont pas encore le droit de « communiquer » auprès du grand public, une enquête de la Commission européenne a montré qu’elles investissent tout de même 23% de leurs budgets dans le marketing (visites médicales notamment), contre seulement 17% pour la recherche ! Et combien pour lutter contre les médicaments génériques, comme l’a révélé un récent rapport de l’UE ?
Au frais de la princesse
In fine, le « parrainage télévisuel« , « l’éducation thérapeutique » ou la simple « communication » des firmes sur leurs médicaments seront payés par la collectivité et les patients, via la Sécurité sociale et les mutuelles… C’est l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) qui l’affirme, dans un rapport de 2007, estimant que le marketing pharmaceutique était un « moyen particulièrement coûteux » pour la collectivité de transmettre des « informations biaisées » aux médecins. Diagnostic largement partagé par la Cour des Comptes dans son rapport n°848 qui note que le patient « ne doit pas être abandonné aux firmes pharmaceutiques« .
Réactions…
Lors des débats qui ont eu lieu à Bruxelles la semaine dernière, Anne Ferreira, député européenne socialiste d’Ile de France, a tenté de redonner leur sens aux mots : « une information fournie par l’industrie elle même, en dehors de l’étiquetage et des notices réglementaires, s’appelle une publicité et c’est sa répétition qui en fait un atout commercial concurrentiel » a-t-elle déclaré. Ajoutant que cette information publicitaire « a fait augmenter le volume des prescriptions ainsi que les dépenses de santé sans qu’on puisse observer une amélioration de la qualité des soins et de l’état de santé des Américains ou des Néo Zélandais« .
La délégation socialiste française au parlement européen dénonce un « paquet pharma emballé par le commissaire en charge de l’industrie et des entreprises« . « En confiant à Günter Verheugen, commissaire à l’industrie, la responsabilité du paquet pharmaceutique, la Commission a une fois de plus donné le ton. On pouvait penser que les médicaments relevaient des questions de santé; la Commission européenne a choisi de les considérer comme n’importe quelle marchandise » précise le communiqué.
Le Collectif Europe et Médicament s’énerve, lui aussi. Il dénonce des « offensives répétées des firmes, qui reçoivent des cadeaux coûteux pour la collectivité« , insistant sur le besoin de « défendre le droit des patients à une information fiable sur les médicaments, et s’opposer aux stratégies marketing des firmes qui ciblent le public, tant en France qu’en Europe« .
Résumons. Les laboratoires d’analyse médicale privatisés, la publicité sur les médicaments autorisée… à quand l’introduction en bourse des cabinets médicaux ? Pour une meilleure gestion de la santé publique… bien entendu.
(Documents : resume-presentation-info-patients.pdf, communique-collectifs-europe-medicaments.pdf)