Sarkozy : l'interview qui fâche  - Désinformation Nicolas Sarkozy Politique Sondage
| 09/02/2009

Sarkozy : l'interview qui fâche

Image d’illustration © 704417|Pixabay|CC0 or Pixabay

Les Anglais, fâchés. Les Tchèques, fâchés. Les sondeurs, fâchés. Les Gandrangeois, fâchés. Les économistes, hallucinés, de voir un président aussi… fâché avec les chiffres. Décryptage d’une interview en forme de bêtisier. Face à la crise… de foi.

5 février 2009. Interview du président Nicolas Sarkozy dans l’émission « Face à la crise » diffusée sur TF1, France 2 et M6 , avec les journalistes David Pujadas, Laurence Ferrari, Guy Lagache et Alain Duhamel. Morceaux choisis.

Taxe professionnelle

8 milliards d’euros : c’est l’estimation annoncée par Nicolas Sarkozy du coût de la suppression de la taxe professionnelle, seule mesure concrète proposée jeudi soir. Mais en réalité, cet impôt rapporte 28 milliards à l’Etat, comme l’a déclaré Philippe Laurent, président de la commission des Finances de l’Association des maires de France. Et sa suppression entrainerait un manque à gagner de 18 milliards, et non 8 milliards. Autre détail, son « remplacement » par la taxe carbone fait bondir les cadres du Ministère de l’Environnement, qui n’avaient pas l’air au parfum. Le pactole issu de cette mesure devait servir à financer des mesures d’économies d’énergie (Voir lejdd.fr). Un Grenelle, quel Grenelle ?

Aide aux banques

1,4 milliards d’euros : c’est le montant des plus-values que Nicolas Sarkozy espère tirer de son premier plan d’aide aux banques. Mais ce chiffre ne prend pas en compte les intérêts des emprunts contractés par l’Etat. Au final, selon le Ministère de l’Economie, l’Etat s’enrichira (seulement) de 800 millions d’euros. Deuxième oubli du président : si ces intérêts sont effectivement payés par les banques, ce sera à leurs clients de supporter la douloureuse. Donc aux particuliers, et aux entreprises. Merci pour eux.

Gandrange

Festival de désinformation, ou d’incompétence. Nicolas Sarkozy « réécrit l’histoire », titre Liberation.fr, dans un article qui liste les oublis, les « erreurs » et les déformations. Ou peut-être faudrait-il reprendre le terme de « mensonge », utilisé par le chef de l’Etat ? Voir « La Mouette« .

Baisse de la TVA Outre-manche

Nicolas Sarkozy s’est attaqué à la baisse de la TVA de 2,5 points décrétée par Gordon Brown pour lutter contre la crise. Cette mesure aurait, selon le chef de l’Etat, contribué à accélérer la baisse de la consommation. Totalement faux. Au Royaume Uni, la consommation en produits manufacturés a augmenté de 2,6% de novembre à décembre 2008, et de 4,3% de décembre 2007 à décembre 2008. En France, par contre, l’Insee affiche une baisse de la consommation : -0,9% de novembre à décembre et -1,7% de décembre 2007 à décembre 2008 (voir « Dechiffrages« ). Le président a aussi fustigé la Grande-Bretagne pour avoir laissé mourir son industrie, qui est exactement au même niveau que celle de la France, au pourcent près…  La Grande-Bretagne n’a manqué de faire savoir son mécontentement. Difficile de lui en vouloir…

Délocalisations

Nicolas Sarkozy a aussi trouvé anormal que les industries automobiles produisent en République Tchèque les voitures destinées au marché français. Et concernant les produits made-in-China ? On arrête tout et on recommence ? Petit rappel utile : le montant global des importations pour l’année 2008 se chiffre à 465 milliards et le déficit commercial a battu un record à 56 milliards d’euros. Il y a du boulot ! La République Tchèque a elle aussi violemment critiqué le discours de notre président.

Partage des profits

Plus égalitaire que jamais, le chef de l’Etat a fermement souhaité que les profits soient équitablement répartis entre les actionnaires, salariés et fonds propres, notamment dans le secteur bancaire. Ce qui amènerait, logiquement, à sortir un tiers des bénéfices sous forme de dividendes. Soit exactement ce qui se pratique depuis quelques années. Une façon de préparer l’opinion aux distributions gargantuesques de dividendes qui se préparent dans les banques aidées ?

Chômage

« C’est pire ailleurs ». Nous voilà rassurés.

Education – Réforme de l’Université

Trop tentant, un président d’une grande université (Paris 5), de gauche et médiatique de surcroît… Nicolas Sarkozy n’aura pas résisté à citer Axel Kahn comme soutien de sa réforme. C’est donc qu’elle est bonne, forcément… Sauf que quelques heures plus tard, celui-là même annonçait que le gouvernement fonçait dans le mur et que la réforme était morte-né. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas.

Sondages

Et au final, les Français ont-ils été convaincus ? Oui à plus de 50% pour les deux sondages CSA et Opinion Way, basés sur les sondés ayant suivi l’émission jusqu’à son terme. Car contrairement à ce qu’on aura pu lire, les conclusions du sondage CSA n’était pas vraiment objectives (lire lefigaro.fr). Le sondage Opinion Way ne se base que sur le nombre de personnes ayant vu l’émission, nombre qui n’est indiqué nulle part dans la notice publiée. En réalité, 561 personnes, comme nous l’a indiqué par mail l’institut. Un peu léger, mais le coeur du problème est ailleurs, car comme le souligne Rue89, pour suivre cette émission, il fallait avoir le coeur bien accroché ou… penchant côté UMP.

Un bêtisier dès le mois de février, l’année s’annonce chaude…

Ajout, 14h00 : Au sujet de l’audiovisuel public, aussi… lire « le gros mensonge de Sarkozy » sur Liberation.fr