Crise : La rédemption viendra des riches. Halleluya !  - Consommation Crise de 2008 Crise des subprimes Crise économique Crise financière États-Unis Pauvreté Richesse
| 18/09/2009

Crise : La rédemption viendra des riches. Halleluya !

Image d’illustration © 704417|Pixabay|CC0 or Pixabay

On connaissait la rhétorique selon laquelle les nantis sont les sauveurs des peuples, puisqu’ils investissent, donc créent de l’emploi. Voilà maintenant qu’ils deviennent LE peuple, puisque les 10% les plus riches représentent près de la moitié de la consommation globale… Mais à quoi servent les pauvres ?

Robert Reich est économiste, il fut aussi secrétaire au Travail du gouvernement des Etats-Unis de 1992 à 1997, sous la présidence de Bill Clinton. Actuellement professeur à l’université de Berkeley, il s’autorise régulièrement quelques incartades bien senties, à la télévision, dans les librairies, mais aussi sur son blog. Dans un billet daté du 4 septembre (relevé par Philippe Barbrel), il tente de répondre à la question cruciale : Pourquoi les médias gardent-ils effrontément le silence sur la pire situation en termes d’emploi et de salaires qu’a connue son pays depuis la Grande Dépression ? Il a dégoté la réponse… qui vaut son pesant d’or.

Explosion du chômage, stagnation des salaires

Aux Etats-Unis, le chômage s’envole. Près d’un Américain sur six est en sous-emploi, inactif ou à temps partiel. Pour les chanceux qui réussissent à conserver leur boulot, ce sont les salaires qui stagnent. Et encore, ces chiffres ne prennent pas en compte l’augmentation du nombre de congés sans solde pris par les salariés (17% des entreprises les imposent). Pas plus que les pertes dues aux réductions drastiques des cotisations sociales des entreprises (20% d’entre elles ont suspendu leurs contributions aux régimes de retraite des salariés).

Tout roule… pour les médias

Et les médias n’y verraient aucun problème, comment est-ce possible ? Tout simplement parce que ces pertes d’emplois et de salaires ne touchent pas la population la plus représentée sur les écrans. Chez les américains ayant appartenu aux top-10% les mieux rémunérés, le taux de chômage est proche de 5%, et les salaires continuent d’augmenter (même si la hausse ralentit). Ils sont couverts par une assurance maladie et leur retraite est assurée. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes…

Comment l’économie continue-t-elle de fonctionner ?

Certes, on entend dire deci delà que la crise économique a plombé les portefeuilles d’actions des riches. Les pauvres… c’est vrai. Mais en proportion, leurs pertes restent limitées, comparées à celles du reste de la population qui a majoritairement placé ses économies dans l’immobilier, en chute libre depuis 18 mois. D’où la deuxième question : Si autant d’Américains perdent autant de revenus, comment l’économie continue-t-elle de fonctionner ? Et de qui viendra le sursaut de consommation qui permettra aux Etats-Unis de sortir de la crise ?

Grâce aux riches !

Robert Reich a dégoté la réponse dans un rapport de Bank of America Merrill Lynch [1]. Imparable… Avant la crise, 42% des dépenses de consommation venaient des 10% les mieux payés. Ce qui n’est guère surprenant, vu que ces 10% de gens heureux ratissent la moitié du total des rémunérations. Et ces riches, contre vents et marées, continueraient de consommer… N’en jetez plus, la rédemption viendra d’en haut ! Le rapport conclut donc le plus naturellement du monde que le Congrès et la Maison Blanche doivent à tout prix s’abstenir d’augmenter l’imposition des plus riches, de peur que leur ardeur consommatrice en soit freinée.

Aussi simple. Finalement, que les pauvres continuent de s’appauvrir n’est pas si grave, tant que les riches continuent de s’enrichir… Puisqu’on vous le dit. « Cette logique est moralement et économiquement indéfendable » conclut Robert Reich. Tout de suite, les grands mots…

[1] : Bank of America a racheté Merrill Lynch, en état de quasi-faillite, fin 2008. Trois jours avant l’annonce de l’opération, la pompe à bonus de Merrill Lynch était lancée : les 149 bonus les plus importants ont totalisé quelques 858 millions de dollars sur les 3,6 milliards distribués par Merrill Lynch. Les quatre premiers bonus ont reçu 121 millions de dollars. La banque avait auparavant touché un prêt d’Etat de 45 milliards de dollars. Mais c’était juste pour relancer la consommation des plus riches… et sauver les Etats-Unis de la crise. Halleluya.