Pendant des années, presque personne n’a vérifié si les géants de la grande distribution respectaient vraiment les règles d’urbanisme commercial. Jusqu’au jour où un couple de locataires de galerie marchande s’est mis à compter les mètres carrés, un par un. Leur découverte : des surfaces illégales partout, et un système qui ferme les yeux.
« Avec Carrefour, je positive ! »
Martine Donnette et Claude Diot sont d’anciens commerçants. À la fin des années 1980, ils perdent leur magasin, floués par un Carrefour tout‑puissant qui déplace leur boutique dans un coin perdu de la galerie tout en doublant leur loyer de façon unilatérale. Derrière, ce sont plus de dix ans de vie en caravane.
Hyper-mensonges
Un jour, en étudiant les dossiers de la grande surface qui les a ruinés, ils remarquent que les chiffres ne collent pas : 16 000 m² de surface exploitée ne sont pas déclarés. Alors ils fouillent, creusent, calculent, comparent. Et ils découvrent que ce n’est pas un bug isolé, mais un schéma qui se répète un peu partout.
En 1994, ils créent l’association En Toute Franchise. Leur idée : vérifier que les grandes enseignes respectent les règles d’urbanisme commercial. On ne rajoute pas 2 000 m² à un hypermarché comme on pose une cabane dans un jardin. Aujourd’hui, l’assoce regroupe 2500 adhérents ou associations affiliées.
Honnêteté en promo
Concrètement, Martine et Claude retrouvent toujours les mêmes techniques :
Ils alertent les préfets. Mais souvent, rien ne se passe. Alors ils saisissent les tribunaux. Parfois, ils gagnent : des juges reconnaissent l’existence de surfaces illicites et obligent les préfets à agir, voire condamnent l’État pour ne pas avoir utilisé ses pouvoirs (vérification, mises en demeure, fermetures partielles etc.). Parfois ils perdent, ou les victoires sont renversées en appel. Le droit est complexe, les enseignes très bien défendues, et l’administration pas toujours pressée de se fâcher avec un gros acteur économique.
Hyper-surfaces en eaux troubles
Ce que cette histoire raconte, au fond, dépasse largement quelques mètres carrés de carrelage en trop :
418 milliards d’euros, rien qu’en PACA
Dans leur livre, Martine Donnette et Claude Diot finissent par avancer un chiffre qui claque : 418 milliards d’euros. Ce montant ne sort pas de nulle part, mais de la somme de toutes les surfaces commerciales qu’ils estiment illégalement exploitées, et de toutes les amendes encaissables par l’État s’il s’en donnait la peine. Et cela uniquement pour la région PACA !
Petit exercice de style : ramené à la population française, on taperait dans les 5 500 milliards d’euros ! Pour rappel, le montant de la dette française est actuellement de 3 400 milliards…
La force du combat de Martine et Claude, ce n’est pas d’avoir tout gagné. C’est d’avoir montré que des citoyens peuvent mettre l’État face à ses propres lois. « Trop gros pour être empêché » ne devrait jamais être un argument recevable.
Deux vidéos pour conclure. La première est une présentation très superficielle. La seconde est un Envoyé Spécial dédié à nos deux héros.