La « mode » (comme dirait l’autre) des accidents du travail ne connait pas la crise… Un secteur en plein boum. Et Copé, dans la barque d’un Etat qui prend l’eau, l’a fièrement annoncé : les indemnités journalières pour les victimes d’accidents du travail seront taxées. Pour préserver le bouclier fiscal…
Redressement fiscal pour les tordus du travail
En 2008, 37,4 millions de jours de travail ont été perdus suite à une incapacité temporaire liée à un accident du travail. Presque 2 millions de plus qu’en 2007 (+4,3%), selon les chiffres de l’Assurance Maladie (hors maladies professionnelles et accidents de trajet). Si les salariés ne se blessent pas forcément plus souvent, les conséquences sanitaires sont plus graves, et les interruptions de travail plus longues. La cause ? Un management plus nerveux, des pressions hiérarchiques plus sévères, des précautions sacrifiées sur l’autel des profits, des cadences infernales… Le secteur le plus touché est celui de la manutention manuelle, notamment dans le BTP.
Plein le dos du boulot ! Vive le lumbago…
Résultat : une perte d’activité pour les employeurs, et un gouffre pour l’Assurance-Maladie. Mais les accidentés du turbin ne se contentent pas de rester chez eux, bien planqués sous la couette, ils touchent des indemnités, aussi. Rendez-vous compte… 60% du salaire journalier de base pendant les 28 premiers jours, à se tourner les moignons, et non taxés avec ça ! Il n’en fallait pas plus pour faire sortir de ses gonds le sénateur centriste Jean-Jacques Jégou, qui demande quasiment tous les ans que ces indemnités soient imposées. Le valeureux vient enfin d’obtenir gain de cause. Selon lui, il s’agit tout simplement d’éradiquer une… « niche fiscale » !
A mourir de rire, si ce n’était pas triste…
Tout juste un mois après que le gouvernement ait annoncé sa décision de renoncer à modifier ne serait-ce qu’une seule des 486 niches fiscales, qui représentent un coût cumulé de 73 milliards d’euros. Et par lesquelles, en 2007, plus de 7000 foyers aisés ont échappé à l’impôt sur le revenu, bien que déclarant plus de 97 500 euros de revenus annuels. 73 milliards, donc, à comparer aux 150 à 250 millions d’euros attendus de la fiscalisation des indemnités des accidents du travail. Rappelons aussi que selon un rapport de la Cour des comptes de 2007, la taxation des plus-values des stock-options rapporterait plus de 3 milliards au budget de la Sécurité sociale. Même tarif pour la taxation des indemnités de départ et autres parachutes dorés. Taxer les accidentés pour améliorer l’ordinaire des plus riches… il fallait y penser !
Levée de boucliers (fiscaux)
L’annonce de Jean-François Copé, qui a repris la mesure à son compte, a provoqué un tollé. A commencer par cette fulgurante sortie : « Personne ne comprendrait que l’on engage la fiscalisation des victimes d’accidents du travail […] L’équité y trouvera-t-elle son compte ?« . Qui s’est ainsi permis de ruer dans les brancards ? Olivier Besancenot ? Jean-Luc Mélenchon ? Non, juste Jean-François Copé, version 2005, devant le Sénat. Celui-là même qui affirme aujourd’hui que « cela n’a rien de choquant« …
La Fnath (fédération des accidentés de la vie), quant à elle, ne change pas de disque, qui dénonce une mesure injuste et cynique, rappelant que ces indemnités « ne constituent pas un revenu de remplacement [comme l’a affirmé Nicolas Sarkozy], mais la réparation d’un préjudice subi du fait d’un risque professionnel et de conditions de travail parfois déplorables« . Même son de cloche dans l’opposition, qui lance une pétition, et chez les syndicats, qui dénoncent l’ »indécence la plus absolue« .
Et pour la suite ?
Faudra-t-il aussi taxer les dommages et intérêts obtenus par les victimes devant la Justice (les 390 millions d’euros de Bernard Tapie par exemple) ? Les indemnités de licenciement ? Les remboursements de la Sécu ? Les chèques du FISC aux plus riches au titre du bouclier fiscal (115 millions d’euros pour une centaine de contribuables) ? Faudra-t-il augmenter la TVA sur les fauteuils roulants, comme l’a récemment proposé M’sieur Bernard ? Par mesure d’équité, bien évidemment… Pourquoi pas ?
Pas de bras, pas de chocolat !