Internet, une puissante invention. Courriels, sites web, messageries instantanées, échanges de fichiers. Téléchargements sauvages, sites pédophiles… aussi. L’Homme a ses bons et ses mauvais côtés, et Internet s’en fait l’écho. DRM, Hadopi, paquet télécom, charte Internet… L’avenir de la toile est sombre, très sombre. Sous prétexte de lutter contre les pires dérives, la question est aujourd’hui posée : et si la Chine avait raison ?
Dans quelques mois, ou quelques années, une campagne de propagande gouvernementale nous en informera sur toutes les chaînes, aux heures de grande écoute : « l’Internet nouveau est arrivé. Un Internet sécurisé, moral et totalement légal ». Au vu des avancées législatives actuelles, le réveil risque d’être rude… si réveil il y a.
Suite aux trois amendements récemment ajoutés au « Paquet télécom », chaque état membre de l’Union Européenne serait autorisé à définir les logiciels autorisés sur Internet. Benjamin Henrion, correspondant de la Fondation pour une infrastructure informationelle libre (FFII) à Bruxelles, parle d’un « Internet soviétique » bien que l’adjectif « chinois » est plus adapté. Aujourd’hui, faut-il le rappeler, l’écrasante majorité des logiciels se connectent à Internet pour une raison ou une autre. Et ces amendements constitueraient ni plus ni moins qu’un contrôle absolu du gouvernement sur l’ordinateur du consommateur informatique. C’est un choix…
Comme celui qui possède un champs ne peut y semer que des plantes autorisées, celui qui possède un ordinateur devra s’assurer qu’un logiciel est autorisé avant de l’utiliser. Et sous prétexte que des risques existent globalement pour la sécurité des consommateurs, les pires dérives se produiront, comme elles se produisent déjà au niveau agro-alimentaire : voir l’histoire de l’association Kokopelli, qui a tenté de conserver et de développer des espèces anciennes de semences naturelles, afin de les distribuer gracieusement aux paysans les plus pauvres de ce monde. Raté ! Pour l’Etat français, les semences qui ont nourri nos grands-parents sont devenues illégales et dangereuses… car non répertoriées au cahier officiel. De la même façon, des logiciels non inscrits, bien qu’inoffensifs, seront donc interdits. Par exemple les gratuiciels, sous prétexte qu’ils pervertissent le principe de libre concurrence, comme le plaident les représentants de firmes informatiques ? Un choix, juste un choix…
Internet amnésique et allergique
La « Charte de confiance en ligne » récemment divulguée par PC Impact, obligerait tous les acteurs d’Internet à s’autoréguler. Sans passer par une loi, et donc sans débat démocratique ni possiblité de vérification par le conseil d’Etat, les FAI et plateformes de blogs, notamment, seraient obligées d’interdire l’accès aux pages ouèbes non modifiées depuis trois mois ! A vue de souris, au minimum 80% du contenu actuellement disponible serait supprimé, et encore… Plusieurs spécialistes visiblement terrifiés évoquent des chiffres supérieurs à 95%.
Autre trouvaille, parmi tant d’autres, les fournisseurs d’accès, de plateformes et de contenus, seront tenus de mettre en place des outils de détection automatique de dérives, dont les critères restent incroyablement flous. A voir comment le délit d’outrage à agents dépositaires de l’autorité est aujourd’hui utilisé à outrance, cet article pourraît facilement être considéré comme un « outrage à l’autorité », et ce site (« Les mots ont un sens ») rendu inaccessible ad vitam eternam. Car la simple volonté, même non motivée, d’un agent quelconque « représentant l’autorité », suffirait à obliger le FAI ou l’hébergeur à supprimer l’accès à un contenu. Génial ! La charte ne précise pas si le bagne sera rétabli pour les importuns.
Il ne s’agit malheureusement pas d’une interprétation catastrophiste ou de projections orwelliennes, il s’agit bien de la réalité… Les amendements au « Paquet Telecom » ont été déposés, la Charte « confiance en ligne » a été présentée aux FAI, mais malgré les pressions de Michèle Alliot-Marie, ceux-ci ont refusé de la signer en l’état. Tout devait se jouer cet été mais devant les réticences de quelques uns, la validation des textes a été repoussée en septembre. C’est demain.
Ajout, 10h50 : Voir aussi l’incroyable histoire du site http://93sang30.com/. Ce site, peu subversif mais très peu apprécié par les « autorités », a été suspendu sur simple demande d’un maire socialiste, de façon totalement illégale. Alors si, dans peu de temps, la loi le permet, le nombre de blogs ou autres sites d’information alternatifs à être suspendus ne manquera pas d’exploser !