Selon deux récents rapports américains, seuls les résultats d’une minorité d’essais cliniques réalisés pour obtenir l’autorisation de l’Agence du médicament (AMM) sont publiés : entre 6 et 43% selon les critères ! Les autres sont jalousement conservés à l’abris de la lumière, pour d’obscures raisons qui resteront longtemps sans réponse. Et les médicaments sont autorisés…
Aux Etats-Unis, comme partout, c’est un institut public qui accorde les autorisations de mise sur le marché de nouveaux médicaments, la Food and Drug Administration (FDA). Dans le processus de décision, seules les études fournies par les firmes pharmaceutiques sont prises en compte. Autrement dit, le producteur de médicaments fournit les données qui permettent à l’administration de dire si le produit peut être commercialisé ou non… implacable ! Le système est bien rôdé, et fonctionne à plein. Mais en l’espace de quelques semaines, deux études très sérieuses viennent apporter un peu de contradiction dans ce petit monde opaque.
Seules 6% des études de l’industrie pharmaceutique sont publiées
L’ESMO (European Society for Medical Oncology) a repris, le 9 octobre 2008, les résultats de l’étude de Ramsey et Scoggins publiés dans la revue The Oncologist. Il faut toutefois prendre en compte, indique le rapport, les « limitations » liées à la nature de l’étude. Toujours est-il qu’en comparant les bases de données scientifiques, l’équipe a déterminé l’existence d’un important biais de sélection des essais cliniques, tous financements confondus, qui amène leurs responsables à ne publier que ceux qui sont favorables : environ un sur cinq ! Plus fort, moins de 6% de l’ensemble des études financées par l’industrie pharmaceutique sont publiées. Et sur ces 6%, les trois quarts arrivent à des conclusions positives.
Une autre équipe (Kirby Lee et al) a enquêté sur les essais cliniques effectués sur des médicaments qui ont été approuvés par la FDA entre 1998 et 2000. Publié dans Public Library of Science (PLoS), le rapport montre que seuls 43% des études réalisées sur ces médicaments ont été publiées. Alors que les médicaments concernés sont commercialisés depuis plus de cinq ans.
Juge et partie
L’industrie pharmaceutique est dans une situation très particulière. Pour gagner le droit de commercialiser un produit, une entreprise doit fournir deux études scientifiques « favorables ». Même si cinquante autres indiquent le contraire… Alors y a-t-il quelque chose de choquant dans ces résultats ? D’un point de vue éthique, oui, d’un point de vue scientifique, trois fois oui, mais d’un point de vue légal, non. Dans ces conditions, l’industrie pharmaceutique est certainement un placement d’avenir, un des seuls secteurs économiques à augmenter régulièrement ses bénéfices, dans cette période de crise. Le groupe pharmaceutique suisse Novartis vient d’annoncer un bénéfice net en hausse de 19%, à 5 milliards d’euros, sur les neuf premiers mois de l’année. Les autres suivront…
Et en France ? Même tarif… et les lobbys veillent, comme le relève Rue89 dans un article dédié à l’influence des lobbys.
Une députée face au lobbying de l’industrie pharmaceutique
envoyé par rue89
(Sources : l’excellent pharmacritique.20minutes-blogs.fr, qui veille au grain, medicine.plosjournals.org, www.esmo.org, www.bloomberg.com)