Si tout le monde est au courant que le bisphénol A a colonisé les biberons de nos bambins, peu savent que la molécule s’invite aussi sur les tickets de caisse de nos magasins préférés, à des concentrations plusieurs millions de fois supérieures et dans une forme bien plus volatile. A prendre avec des gants…
Deux études américaines viennent d’être publiées. Quoi qu’un peu légères, elles révèlent tout de même qu’entre 40 et 80% des tickets de caisse contiennent des quantités importantes de Bisphénol A : entre 3 et 40 mg. Sous une forme hautement volatile, puisque non liée, contrairement à la version « plastiques des biberons ». Aurait-on trouvé la raison pour laquelle la molécule est détectée dans l’urine de 93% des Américains ?
Reprise d’article publié le 9 décembre 2009
Le bisphénol A est un composant synthétique qui se retrouve un peu partout, des biberons aux ciments dentaires en passant par les bouteilles d’eau ou récipients plastiques pour micro-onde. Le hic, c’est qu’une fois chauffé, le bisphénol A (BPA) peut diffuser, notamment dans l’alimentation dans le cas d’un passage au micro-onde. Or, le BPA agit comme perturbateur endocrinien. Il est ainsi impliqué dans des affections aussi variées que les problèmes de reproduction, l’obésité, les cancers du sein et de la prostate, le diabète, les dysfonctionnements thyroïdiens et les problèmes d’attention chez les enfants. L’exposition en bas âge peut en outre augmenter la prédisposition aux cancers. Pas moins.
A la recherche du ticket perdu…
John C. Warner connait le bisphénol A sur le bout des doigts. De 1988 à 1997, sévissant comme chercheur chez Polaroid, il travaille sur le développement de technologies d’impression à froid et sans encre, qui usent et abusent de la molécule. En 1997, il bifurque vers l’Université du Massachusetts, où il enseigne et étudie la « chimie verte ». C’est dans ce cadre qu’un beau jour, il s’amuse à envoyer ses élèves récolter des tickets de caisse dans les supermarchés de la ville. L’objectif était de leur apprendre à utiliser un spectromètre de masse, un outil de torture scientifique permettant de connaître la composition moléculaire de n’importe quel produit.
Plusieurs millions de fois plus concentré et bien plus volatile
Le résultat est accablant : « Quand les gens parlent des bouteilles en polycarbonate, ils parlent de quantités de BPA de l’ordre du nanogramme », dit John C. Warner interrogé par ScienceNews, mais « la moyenne relevée dans les reçus de caisse qui utilisent la technologie BPA [une majorité] atteint entre 60 et 100 milligrammes ». Soit un rapport de un à plusieurs millions, donc (la dose journalière admissible fixée par l’Union européenne est de 0,05mg/kg de poids corporel). Pire, cette forme de bisphénol A n’étant liée à aucun polymère, comme c’est le cas dans les biberons ou les bouteilles, elle est d’une grande volatilité, libre comme l’air.
Eviter de dîner sur le pouce
Les résultats de cette étude n’ont jamais été publiés, John C. Warner n’ayant pas rédigé de protocole scientifique digne de ce nom. Quant à savoir si le BPA peut pénétrer le corps directement ou indirectement à partir de la peau des doigts, et dans quelles quantités, rien n’est moins sûr… En attendant que des scientifiques se penchent sur le problème, d’ici une dizaine d’années peut-être, mieux vaudrait tout de même éviter de laisser trainer les tickets de caisse dans les biberons de vos diablotins… ou pas.