"Dérive autoritaire" : l'illustratrice italienne Elena Mistrello brutalement refoulée  - Antifascisme Bandes dessinées Censure Clément Méric Colomiers Culture Elena Mistrello Fascisme Festival Italie Police Toulouse
| 24/11/2025

"Dérive autoritaire" : l'illustratrice italienne Elena Mistrello brutalement refoulée

Image d’illustration © Elena Mistrello|Instagram @elenamistrello

Invitée en France pour un festival de BD, Elena Mistrello s’est retrouvée expulsée en moins de quinze minutes chrono, sans avoir pu sortir de l’aéroport. Les autorités l’ont jugée comme une « menace pour l’ordre public », sans explications claires. État policier ?

L’illustratrice italienne Elena Mistrello s’est fait arrêter ce week-end à l’aéroport de Toulouse, au sortir de l’avion. Elle venait pour le festival de BD de Colomiers, afin de présenter la version française de Syndrome Italie (éd. Presque Lune), son bouquin primé qui parle des travailleurs migrants.

Syndrome France

Là, trois policiers de la police nationale l’arrêtent net : « Vous quittez la France tout de suite. » Et si elle refuse ? « Ce sera pire pour vous », avec menace de placement en centre de rétention pour migrants (CRA). Ils lui expliquent qu’elle est signalée par le ministère de l’Intérieur comme une « menace grave pour l’ordre public ». C’est notre sens légendaire de l’accueil, en France.

Arrivederci

Résultat : elle remonte dans l’avion avec un papier de rapatriement. Sur le document, elle découvre qu’elle est officiellement interdite d’entrée en France. Et là, elle tilte : en juin 2023, elle avait participé à Paris à des concerts, assemblées et manifestations pour les dix ans de la mort de Clément Méric, militant antifasciste tué en 2013 par des militants d’extrême droite. Tout lui revient comme une évidence.

Comme dit l’autre, « on ne peut pas plaire à tout le monde », certes. Mais de là à être traitée comme une terroriste, c’est… gênant. Dans un texte publié sur son blog, elle raconte que, pour elle, tout est clair. (N’hésitez pas à cliquer pour lui donner de la force)

Morceaux choisis :

La maison d’édition avait organisé mon voyage, mon hébergement ainsi que deux jours de dédicaces pour la sortie du livre. Inutile de dire que j’étais impatiente : c’est un très beau festival, où j’aurais pu rencontrer de nombreux collègues, une occasion importante pour mon travail.

Vendredi soir. Le vol Francfort-Toulouse atterrit à 18 heures et, dès que je descends de l’avion, je trouve trois agents de la Police nationale (la police française) qui m’attendent. Ils m’arrêtent et me mettent au courant du fait que je ne peux pas mettre les pieds en France, qu’ils ne savent pas exactement pourquoi, mais qu’il existe un signalement du ministère de l’Intérieur concernant le danger que je représenterais. […]

On me dit que je dois immédiatement remonter dans l’avion et retourner à Milan : ils ont reçu l’ordre de me rapatrier et si je refuse, « ce sera pire pour moi », ils seront obligés de m’arrêter et, probablement, de me transférer dans un CRA (Centre de rétention administrative pour migrants). Tout cela dure 15 minutes, je me sens acculée et je décide de remonter dans l’avion.

Dans l’avion, on me remet une sorte de procès-verbal de rapatriement dans lequel il est précisé que je n’ai pas pu entrer en France car je constituerais « une menace grave pour l’ordre public français » et qu’en conséquence, je fais l’objet d’une « mesure d’interdiction d’entrée ». En cherchant une explication à cela, je me souviens du mois de juin 2023, lorsque j’ai participé aux journées d’assemblées, de concerts et de manifestations publiques organisées à Paris à l’occasion du dixième anniversaire du meurtre de Clément Méric, un jeune antifasciste tué en 2013 à Paris à l’âge de 18 ans par trois extrémistes de droite. Bien que ces initiatives se soient déroulées sans aucune tension, en présence de milliers de personnes venues à Paris de toute l’Europe, j’ai appris que certains de mes compagnons de voyage italiens avaient eu des problèmes aux frontières dans les mois qui ont suivi, avec quelques questions supplémentaires de la part de la police sur les raisons de leurs déplacements, mais personne n’a jamais été bloqué ou refoulé. […]

Je tiens à souligner la gravité de ce qui s’est passé : si, d’une part, je pense que la dérive autoritaire et répressive des États européens à l’encontre des militants et des activistes politiques est désormais évidente pour tous, d’autre part, je constate une dérive arbitraire croissante de la part des forces de police, qui peuvent décider sans explication de vous renvoyer chez vous simplement parce que vous êtes « indésirable », créant ainsi un système de contrôle et de surveillance basé non pas sur des faits, mais sur les opinions et les fréquentations des personnes.

J’ai pensé que cela ne pouvait pas rester une simple « mauvaise expérience » personnelle, mais qu’il était judicieux de la partager, afin de contribuer, dans la mesure du possible, à démanteler des mécanismes destinés à empirer s’ils ne sont pas combattus de toute urgence.

Elena Mistrello