Pesticides : un rapport caviardé par le ministère de l'Agriculture  - Agriculture Agriculture Bio Annie Genevard Cancer Ministère de l'agriculture Pesticides Pollution
| 03/11/2025

Pesticides : un rapport caviardé par le ministère de l'Agriculture

Image d’illustration © Mrt Ziolko|Pexels|Pexels

Le ministère de l’Agriculture a méchamment pesé sur le volet « pesticides » d’un rapport du HCSP pour minorer les risques sanitaires et majorer l’effort des politiques publiques. Pour rappel, cette institution est dirigée depuis le 5 mars 2025 par Clément Beaune, macroniste pur jus.

C’est Le Monde qui nous informe. Et Générations Futures qui se rebelle ! Et il y a vraiment de quoi.

L’histoire

Le Haut-Commissariat à la Stratégie et au Plan (HCSP) a publié le 29 octobre 2025 un rapport intitulé « Les politiques publiques de santé environnementale ». Objectif : éclairer l’action publique sur ses politiques environnementales, dont les pesticides agricoles.

Mais tout ne s’est pas passé comme prévu. Quatre membres du Conseil scientifique signalent, en annexe du rapport (page 121), des biais massifs. Et d’une, le travail demandé était d’une « ambition démesurée au regard du travail demandé » et le délai très court (10 mois). Ça partait mal. Et ensuite… le rapport leur a été rendu modifié de façon très… bizarre, sans possibilité réelle de correction ni de contestation. « Je n’ai jamais vu un tel fonctionnement », déclare une source du Monde. Les cinq rédactrices du rapport auraient subi pressions et menaces.

« Chiffres sortis du chapeau« 

  • Concernant les aides de la PAC concourant à réduire l’utilisation des pesticides, les scientifiques avaient calculé un chiffre de 700 millions d’euros (fourchette haute), la hiérarchie a décidé qu’il fallait plutôt tabler sur 2 milliards ! Au doigt mouillé. Une surestimation grossière et « contradictoire avec la littérature scientifique ».

Références douteuses

  • Concernant le bio, l’étude de la cohorte Nutrinet-Santé (risque de cancer fortement réduit par l’alimentation bio) est discréditée par un simple lien vers le site de l’Institut National du Cancer (INCa), qui en une phrase non argumentée assène « les preuves ne sont pas encore suffisantes pour parler de lien de causalité : l’association entre alimentation biologique et risque de cancers doit être confirmée par d’autres recherches ». Et tant pis si quelques phrases auparavant, l’article de l’INCa conseillait de « privilégier le bio ». Et tant pis pour le bon sens.

La leucémie infantile, quel intérêt ?

  • Concernant la leucémie infantile, une étude française montrant un lien avec la densité des vignes autour du domicile a été qualifiée dans le rapport de « pas robuste au niveau régional »… contre l’avis du Conseil scientifique dont les remarques ont été ignorées ! Les Sachants ont forcément plus raison que les autres, aussi scientifiques qu’ils soient. Et tant pis pour les malades.

Ce ne sont que quelques exemples parmi d’autres (beaucoup sont très techniques). Plus globalement, les scientifiques critiquent :

  • Les choix de modifications vont le plus souvent dans le sens d’une minimisation du risque, souvent non argumentée. Pourtant, les procédures d’évaluation choisies (ne reflétant pas la « vie réelle » constituée d’expositions multiples et sur la durée) sous-estimaient déjà ce risque.
  • « Le fait de ne pas pouvoir aborder le rôle de la biodiversité, de la diversification des cultures, des paysages et taille des parcelles dans la réduction des pesticides qui aident à penser d’autres types de politiques publiques. »

Le ministère de l’Agriculture accusé

« La ministre de l’Agriculture Annie Genevard semble avoir un problème avec la science et son indépendance« , râle Générations Futures. Effectivement, en juillet dernier, déjà, elle signait un décret qui lui permet désormais d’établir par arrêté une liste d’usages de pesticides dits « prioritaires », qui doit être pris en compte par l’ANSES. La suite à suivre.

« Pressions scandaleuses » selon Générations Futures

Dans notre affaire, le ministère d’Annie Genevard est de nouveau mis en cause. Selon Le Monde, « une part des ajouts imposés aux auteurs du rapport ont été demandés par le cabinet de la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard », dont les éléments sur la PAC. Lequel ministère a vigoureusement démenti ces allégations, avant… hmm… finalement.. de déclarer… hmm… vendredi… n’avoir « pas bien saisi la demande du journaliste du Monde ». C’est ballot.

Ils auront sûrement réalisé que le quotidien du soir avait consulté des échanges entre des conseillers du ministère et des cadres du Haut-commissariat « jugeant tel passage pas opportun, demandant la suppression de tel encadré, des ajouts dans telle recommandation ».

Et tant pis pour nos cancers… et ceux de nos Générations Futures