Si on ne peut plus s'amuser, mais où va-t-on... ?  - Cybersécurité Droits de l'Homme Guerres Iran Sécurité Sécurité informatique
| 10/11/2010

Si on ne peut plus s'amuser, mais où va-t-on… ?

Image d’illustration © 704417|Pixabay|CC0 or Pixabay

Ouah, les plus grandes sociétés de sécurité privées ont signé un « code de bonne conduite » ! Rendez-vous compte. Elles devront dorénavant respecter… les droits de l’homme. Et si elles ne le font pas ? Pas grave, on ne va pas chipoter pour si peu…

Mardi, à Genève, les Boss d’une soixantaine d’entreprises de sécurité privées ont signé un « code de bonne conduite ». Ces joyeux drilles se sont engagés, le flingue sur le coeur, à respecter les droits de l’homme et le droit international humanitaire. Ouah ! Impressionnant… Et les paramilitaires commencent à prendre peur : mais que vont-ils bien pouvoir faire, pour tuer le temps, le samedi soir, à Fallujah ? Qu’ils se rassurent.

Petite traduction. « Droits de l’homme » : est-ce à dire qu’auparavant, ces entreprises n’en avaient rien à carrer des droits humains ? Oui. « Code de bonne conduite », ça signifie simplement que le papier n’a aucune valeur, puisqu’il n’est pas contraignant.

J’en vois, là, tout au fond, près du radiateur, qui froncent les sourcils : nous ne parlons pas des vigiles du Monoprix du coin, m’sieurs dames. Mais de sociétés qui sont impliquées dans les guerres les plus sanglantes de la planète (Irak, Afghanistan…), qui réalisent des milliards de dollars de chiffre d’affaire dans les régions les plus obscures, et qui ont toujours refusé toute mesure de surveillance. Certaines sont empêtrées dans des scandales de crimes contre l’humanité, de massacres gratuits, de torture, d’enlèvements, d’assassinats ciblés, de détournements de fonds énormes… des broutilles qui ne dérangent finalement pas grand monde, semble-t-il, à part quelques droits-de-l’hommistes.

Quelques réactions :

    – Xe Services, ex-Blackwater, dont le fondateur s’est exilé à Dubaï pour échapper à la justice US : « Nous soutenons pleinement cette initiative qui va accroître l’éthique […] Pour nous, ce sera positif pour notre image », relève Mario Victor Esposito. « Le fait de mettre en œuvre des normes plus sévères n’engendrera aucun changement pratique majeur » a déclaré Christian Bonat. Une sorte de campagne de publicité internationale qui ne changera rien sur le terrain. A mourir de rire (c’est toujours mieux que de se manger une rafale de balles perdues, remarquez)…

    – Andrew Clapham, directeur de l’Académie de droit international humanitaire et de droits humains : « Le gouvernement britannique a annoncé qu’il allait désormais inclure [le code de bonne conduite] dans les contrats. C’est un pas majeur en avant. Si ces entreprises ne respectent pas le code de conduite, l’Etat contractant pourra dénoncer une violation dudit contrat devant la justice ». Ou pas. Génial, les droits de l’homme font leur apparition dans le droit du commerce ! Une ré-vo-lu-tion ! Puisqu’on vous le dit…

    – Peter Maurer, secrétaire d’Etat suisse, explique que « le code ne sera crédible que s’il est mis en œuvre dans le terrain et qu’il change l’attitude de ces sociétés ». « Crédible » ou « efficace » ? Tout est dit… et écrit, puisqu’il « n’engendrera aucun changement pratique majeur » chez Blackwater.

    – Et ce code de conduite prévoit en outre que les forces privées ne puissent intervenir que dans des opérations défensives. Adjoint au sous-secrétaire américain à la Défense, Gary Motsek précise qu’« il est contraire à la loi américaine d’engager de telles entreprises dans des opérations militaires. En Irak et en Afghanistan, elles ont un rôle purement défensif ». Oui, et d’ailleurs, les guerres « préventives » d’Irak et d’Afghanistan ne sont-elles pas des guerres défensives ?

Des raisons moins avouables ?

Aucun intérêt concret, donc. Cependant, selon Robert James Parsons, si cette brochette de dirigeants a accepté de se rendre en Suisse, c’est plutôt pour bien se faire voir par les Hélvètes et tisser des liens avec un pays qui les intéresse au plus haut point. Un certain nombre désire en effet implanter leur siège sur les bords du lac. Pour les raisons qu’on imagine aisément : neutralité diplomatique, secret bancaire (intéressant pour des entreprises qui cultivent le « strickly cash »), accès direct à l’ONU…